Le Pont de Bigny
(son histoire est liée à celle de l’usine)
Si le Cher représente une frontière avec les communes voisines, son franchissement a posé bien des problèmes à nos ancêtres. On ne connaît guère que les ponts de Châteauneuf et de Bruère. A côté de ces passages « payants », il y avait bien quelques bacs ; on sait par exemple que le seigneur de Rousson « ne pouvait passer aucun étranger sur son bateau au préjudice du pont de Bruyères »…en 1551. C’est le seigneur d’Orval, duc de Nevers, qui est en possession de ce droit.
Heureusement pour les « trafics » importants, on pouvait emprunter les « gués ». Le plus important est sans doute celui des « Chirettes ». Les pêcheurs amoureux de coins sauvages le connaissent bien car, l’été, quand le niveau des eaux baise, on y peut découvrir un tas de choses … de curieuses pierres, une dent de mammouth, un héron vigilant guettant le passage des poissons… ou quelques armes d’un autre temps, comme cette hache découverte par un habitant de Bigny.
Ce gué possède un sol solide, les eaux sont rendues régulières par la digue (sauf par très hautes eaux) accès faciles pour un passage voiturier(Chirettes ne découle-il pas de Charrettes ? )
Ce gué desservait plusieurs chemins très passagers, en particulier celui menant à St Loup par le « vieux domaine » et le Maupas et celui menant de la « Chaussée de César » (ancienne voie romaine) par Nohant…Vers Uzay le Venon…Meillant, etc…
C’est par ce passage qu’arrivaient aux forges de Bigny le minerai de fer et le charbon de bois produits à Arpheuille, Meillant et alentours.
Ces forges possédaient plusieurs centaines d’animaux pour leurs transports ; on peut donc avoir une idée de l’importance des caravanes « guéant » le Cher aux « Chirettes » ; de là , elles suivaient le chemin de la digue, passaient le canal sur un petit pont (démoli il y a une cinquantaine d’années et dont les restes ont prouvé qu’il était très ancien).
Notons qu’avant la construction du pont (1837) il existait à Bigny un passeur qui, avec son bateau, était au service des voyageurs (avec ou sans bestiaux) et leur permettait de traverser le Cher moyennant paiement.
Ce passeur habitait près du Cher, à gauche du chemin de la digue, tout de suite après le pont du canal. En amont , existait un gué peu utilisé car malaisé (bulletin communal Vallenay printemps 1887).
La construction de la route de Boussac à Levet était destinée à relier les départements de la Creuse et du Cher, mais également de relier les cantons de Chateaumeillant et du Châtelet à Bourges.
Le comte d’Osmond est vivement intéressé par le débouché qu’offrait aux produits de la forge de Bigny cette nouvelle voie. Il fît des dons importants et nombreux pour activer la construction de cette route.
31 janvier 1836 : nouvelle allusion à ce pont quand on parle de création de la route du Châtelet à Coudron pour laquelle M.d’Osmond offre une somme de 15 000 frs. La commune de Vallenay est en quelque sorte mise dans l’obligation d’accorder une subvention de 5 000 frs, payable sur 5 ans.
Le Conseil pense « que cette route acquerra beaucoup d’importance par le pont suspendu que fait construire M d’Osmond « . C’est le 24 février 1837 qu’une ordonnance royale autorise la création dudit pont… la subvention sera de 20 000 frs. Pour compléter cette somme, on aura recours à la concession du péage prévue pour 99 ans et les travaux purent commencer : sur place, on trouve la plus grande partie des matériaux.
Le pont suspendu aura + de 65 m de long, à voie unique de 2,20 m , les arcs de triomphe qui maintiennent les câbles auront 11 m et seront placés à 7 m au-dessus du Cher.
Les 4 câbles de soutènement du pont, formés d’environ 300 fils chacun, assemblés en faisceaux, furent fondus dans le haut fourneau de la forge de Bigny et tréfilés à laPetite Forge. Il en fut ainsi des autres pièces métalliques de raccordement des câbles au tablier.
La pierre de taille des portiques d’ancrage de raccordement des câbles provenait des carrières de Vallenay et le tablier de roulement fait en bois de chênes de la forêt de Bigny.
Vers novembre 1840 le pont était construit.
Il demeura en service jusqu’en 1951… mais sa charge limite avait diminué (3 tonnes à 113 ans)
Tout au long de cette entreprise, il faut noter que les libéralités de Monsieur d’Osmond se multiplièrent : il prit à sa charge la route Coudron-Bigny et versa à la commune la subvention de 20 000 frs qu’il avait touchée . Quant au péage, il avait été fixé par le roi Louis–Philippe le 2 septembre 1837… et c’est cette même ordonnance royale qui définira le tarif de péage du pont de Bruère en 1842 :
« Pour le passage d’une personne à pied : 5 centimes, cheval ou mulet . 10 centimes
cheval, bœuf et autres allant au pâturage : 2,5 cts
animaux destinés à la vente : 10 centimes
veau, porc, mouton etc… allant à la vente : 2.5 cts «
La duchesse de Maillé renonce à ce droit de péage en 1877 … alors la guérite du gardien reste vide et les grilles d’accès au pont sont ouvertes.
Malheureusement, le pont est très mal entretenu ; un incident arrivé le lundi de Pentecôte 1903 (juste le jour de l’assemblée) rappelle que celui-ci n’a pas été inspecté depuis dix ou quinze ans ; ainsi un très lourd camion appartenant à un entrepreneur de construction de Bourges, Monsieur Loreille, passe sur le pont, devant transporter à la gare de Bigny un énorme bloc de pierre de Vallenay pesant dit-on de 4 à 5000 kg, un beau bloc comme on peut en juger ! Après qu’il eut fait quelques mètres, certaines poutrelles du tablier du pont en mauvais état cédèrent sous le poids du véhicule et celui-ci pencha du côté du garde-fou. Les roues se trouvèrent engagées dans les madriers et il fut impossible, même avec de bons chevaux et un fouet, de dégager la situation.
Il faudra attendre la session d’Août du Conseil Général pour voter les fonds et commencer les travaux . D’ici ce temps-là, l’été viendra et piétons et cavaliers pourront traverser le Cher à pieds secs.
Ce pont sera remplacé en 1953 par un pont à tablier métallique.
Ce nouveau pont supportera des charges pratiquement illimitées. Sa construction exigera 170 tonnes d’acier… au total il pèsera 200 tonnes . Il sera constitué d’une seule travée de 66 mètres, sa chaussée mesurera 5,50 mètres de larges (plus les trottoirs de 0,75 mètres).
L’ouvrage sera monté entièrement dans l’usine de Châteauneuf sur Loire où il sera testé… puis il sera remonté à Bigny où il arrivera en pièces détachées.