Une personne de ma famille, Jeannine BRUNET-AUGENDRE , native de BRUERE – ALLICHAMPS , a trouvé dans une brocante près de Deauville un vieux livre dans lequel il est fait mention de l’histoire de ce village ; ce livre a pour titre : HISTOIRE DES DEUX VILLES DE ST AMAND ET DU CHATEAU DE MONTROND ; l’auteur en est MCN Victor Mallard, publié par les soins de son fils MCL Gustave Mallard avec une préface de l’Abbé S.Clément ; cet ouvrage a été imprimé par l’Imprimerie DESTENAY – BUSSIERE Frères en 1895.
La troisième partie du livre est intitulée :
HISTOIRE DE LA CHATELLENIE DE BRUERE, D’ORVAL, D’EPINEUIL ET DE MEILLANT
Pour notre part, nous nous en tiendrons à ce qui concerne BRUERE :
Chapitre XXXV
LA CHATELLENIE DE BRUERE ET L’ABBAYE DE NOIRLAC
Bruère, territorium Briorie, désignée dans de vieux titres sous de nom de Bruières ou Bruyères-sur-Cher, faisait, avec Orval, Epineuil, Meillant et Saint-Amand, partie de la seigneurie de Charenton-sur-Marmande, appartenant aux Ebbe de Déols-Charenton.
De la châtellenie de Bruère dépendait la ville et faubourg de Bruère, partie de la paroisse de Chavannes, la paroisse d’Uzay le Venon, celle de Nozières, les justices de Bigny, Vallenay, Crésançay, Farges, Rousson et Coudron (recherches sur plusieurs monuments celtiques et romains.Paris.Dentu,1806).
Bruère n’a jamais dû être une ville très importante. C’était une cité d’origine gallo-romaine entourée d’une muraille flanquée de tours dont on voit encore les restes. Se portes étaient fortifiées, et l’on remarque aujourd’hui celle qui communiquait avec le pont jeté sur le Cher.
Ce pont était à deux fins : pour la sûreté de la ville et pour le passage de la rivière. C’était une espèce de pont – levis défendu par deux tours à droite et à gauche, qui étaient à la portée du trait. Les ruines de l’une se voient encore ; il ne reste que l’emplacement de la seconde. Elle était sur une hauteur que l’on nomme les Champs Chodiaux, sur le plateau duquel on jouit d’un assez vaste horizon.
Bruère avait son amphithéâtre : on en reconnaissait les ruines par l’enceinte demi-circulaire des monticules et des décombres ; elle avait aussi un château-fort dont les murailles et les tours subsistent encore.
Cette forteresse, qui était certainement l’œuvre des temps féodaux, aura été détruite et brûlée par les anglais, sous le règne de Philippe-Auguste en 1356, soit au plus tard en 1412, date sanglante du sac du château et de la ville d’Orval, et des affreux ravages commis par ces étrangers dans le Berry. C’est à la même époque que, sous le roi Charles VII, furent brûlés par les anglais les faubourgs de la ville de Dun le Roi.
On a prétendu que cette dévastation datait seulement du temps des guerres de Montrond, parce que Bruère faisait alors partie des terres seigneuriales du Prince de Condé ; mais c’est une erreur et le contraire résulte d’un document qui constate que, lorsque le duc de Sully fit l’acquisition des terres d’Orval (par Baraillon : il existe , dit cet auteur, près de la porte fortifiée, une ancienne chapelle, jacella, d’abord dédiée aux dieux mânes par Caracalla, après le meurtre de son frère Géta, ensuite à saint Janvier, enfin à saint Mathurin ; c’est aujourd’hui la demeure d’un vigneron.) Bruère et Epineuil, il ne restait plus au château de Bruère, situé au milieu d’un petit village de quinze à vingt maisons, qu’une vieille enceinte de murailles toutes en ruines.
Après la destruction de Bruère, qui possédait un achidiaconé d’où dépendait les archiprêtés de Charenton-sur-Marmande et de Dun le Roi, la paroisse aura été transférée à la Celle qui devait être alors un faubourg de cette cité.
L’église de la Celle, dédiée à saint Blaise, est extrêmement remarquable : elle proviendrait, suivant M.Barailon, d’un couventde bénédictins anciennement détruit ; aucun document n’est produit à l’appui de cette assertion. L’opinion générale est que c’était l’église du prieuré de la Celle qui existait déjà en 1187 et qui relevait encore en 1505 de l’abbaye de Déols.
Cependant, de son côté, M. Pierquin de Gembloux affirme qu’il existait à la Celle un monastère qui fut ruiné par les normands avant 936 et qu’un Archevêque de Bourges y fonda , en 1145, un couvent des Augustins, qui fut réuni en 1611 à la Congrégation des Feuillants.
« L’église de la Celle, dit MERINEE , figure en plein une croix latine avec une abside à l’extrémité de chacune de ses trois nefs. Les collatéraux se distinguent par leur hauteur, remarquable dans un édifice byzantin et surtout par leur peu de largeur. Les voûtes et les arcades sont toutes en plein cintre, les premières percées à leur naissance d’œils-de-bœuf, au lieu de fenêtre, offrent une disposition assez rare pour être notée.
On observe une grande variété dans l’exécution des chapiteaux, ceux de la nef étant extrêmement grossiers et presque dépourvus d’ornements, tandis que ceux du chœur ont toute la richesse que comporte le style byzantin fleur.
La façade n’a qu’une porte en plein cintre, entourée de quelques moulures et surmontée d’une corniche saillante ; le tout , compris entre deux puissants contre-forts, se détache sur le nu de la muraille. Au-dessus, trois fenêtres sans ornements, puis un fronton aigu dont un cordon de billettes dessine les rampants. A droite et à gauche de la porte, quelques bas reliefs incrustés dans l’appareil m’ont paru des fragments provenant d’un édifice plus ancien et que l’on a voulu conserver. Ce sont à droite deux têtes de chevaux très mal sculptées, à gauche, un taureau posant un pied sur une boule, puis deux hommes revêtus de courtes tuniques et luttant l’un contre l’autre : sur le dos de l’un d’eux on voit un grand carquois ou plutôt une espèce de hotte. Si l’on en croit une tradition du pays, ce bas-relief conserverait le souvenir d’une querelle sanglante survenue entre deux vendangeurs et ce que porte cette figure serait une hotte à vendanger. Inutile de dire que le travail est très barbare et d’un style en apparence fort ancien. »
Il y avait une maladrerie à Bruère ; La Celle avait jadis une église protestante ; Bruère, des Templiers et des Juifs : tous ces souvenirs de tristes dissensions sont aujourd’hui effacés.
Anne Merlin, en religion sœur Vincent, de l’ordre hospitaliers de sainte Camille, est née dans le village de la Celle : cette sœur et une autre du même ordre , s’étaient rendues en Espagne, avec les médecins français, lors de la fièvre jaune en 1821, et notre compatriote Antoine Gaulmier leur a dédié un poème intitulé : Le Dévouement des Médecins français et des Sœurs de sainte Camille, qui a obtenu en 1822 une récompense de l’Académie Française.
Bruère avait autrefois un notaire attaché à sa châtellenie et deux foires fondées sur des lettres patentes. On en demanda le rétablissement au duc de Sully, qui répondit de sa propre main, en marge d’un mémoire « qu’il en ordonnerait » Mais il n’a jamais été fait droit à cette juste supplique (Voy.aux pièces justificatives la copie de ce mémoire conservé dans les archives de la famille Mallard).
Nous ne pouvons pas parler de la Celle, Cella Briorie, sans indiquer et ses riches carrières de pierre calcaire employée dans nos constructions comme pierre de taille, et l’aisance que leur exploitation a répandu, de longue date, dans la contrée. On sait que toutes les pierres de taille , employées à l’extérieur de la vaste et magnifique cathédrale de Bourges, proviennent des carrière de Saint Florent et que celles de l’intérieurde ce monument ont été extraites des carrières de la Celle-Bruère et de Meillant ; toutes les parties sculptées sont en pierre de Charly.
Il n’est plus question depuis bien longtemps, des mines d’argent qu’on aurait trouvées dans les environs de la Celle-Bruère, ainsi que l’a prétendu Lemonnier dans un mémoire présenté en 1739 à l’Académie des Sciences.
Non loin de là, au fond d’une vallée, entre la Celle et La Châtelette,se trouve la chapelle de saint Sylvain qu’il serait encore possible de ne pas laisser tomber en ruines, modeste monument du Moyen-Age ou se voit le tombeau du Saint, au pied duquel de nombreux fidèles viennent se prosterner le 23 septembre de chaque année. On aperçoit encore, sur les murs humides et salpêtrés de l’intérieur, des fresques grossières qui reproduisent quelques épisodes de la vie de Saint Sylvain. L’arrivée de Zachée à Levroux (Gabattum) y est peinte dans un grand tableau, au-dessus de la porte d’entrée de la chapelle.
Nous devons aussi indiquer une source thermale , eau légèrement tiède, dans un champ situé près de la gare de Bruère ; la fontaine Saine-Claire, qui dépose un léger limon se pétrifiant sur les objet qui y séjournent, et entre la Celle et Meillant, au village de Saint-Romble (Sanctus Romulus), une chapelle en ruines qui avait été élevée en l’honneur de ce saint .
Il existe trois terriers de la châtellenie de Bruère faits en 1517,1545 et 1578. Ce dernier qui contient trente rôles sur parchemin a été commencé le 19 août 1510 et fini en avril 1579, par Baugard, notaire à Saint-Amand ; il rapporte les cens, rentes, bourgeoisie , aunages et autres droits et devoirs dus à la seigneurie de Bruère par les habitants de Bruyère, Allichamps, La Celette, Nozières, Farges, Chavannes, Rousson, Barantiôme, Crésançay, Chambon, Saint-Symphorien, Saint-Julien, Le Venon et Uzay.
Mentionnons ici que le seigneur de Rousson ne pouvait passer sur son bateau aucun étranger au préjudice du port de Bruyères, rivière du Cher : en 1551, le seigneur d’Orval, duc de Nevers, était en possession de ce droit, ainsi que de celui de rouage sur le moulin du seigneur de Rousson.
Nous avons dit que du baillage de Bruère dépendait une partie seulement de la paroisse de la Celle ; l’autre partie de la paroisse et justice de la Celle-Bruyères-sur-Cher appartenait au Prieur dudit lieu, était tenue en fief du Roi et ressortissait au siège de Dun le Roi.
On remarque à Bruère le pont suspendu qui a été jeté sur le Cher : créé par une société d’actionnaires, il a été béni le 2 septembre 1842, par Mgr Du Pont, cardinal-archevêque de Bourges ; il eut pour parrain M. le Duc de Mortemart et pour marraine Mme Aubertot, de Bigny. Le tablier de ce pont a été enlevé en 1856, par les eaux débordées du Cher et rétabli dans l’année 1858. Soumis à la perception d’un droit de péage, ce pont a été acheté par l’administration départementale du Cher en 1884 et, depuis cette époque, la circulation en a été livrée au public dégagée de toute redevance.
ALLICHAMPS
Non loin de Bruère, où se trouvent comme nous l’avons dit, des restes de constructions d’origine gallo-romaine et un certain nombre de bâtiments qui datent du Moyen-Age, existait une autre cité, qui n’était peut-être pas au rang des villes pendant l’occupation romaine, mais qu’on ne doit pas considérer comme un faubourg de Bruère : nous voulons parler d’Allichamps, Elysii ou Allii campus, qui a, depuis longtemps et ç si juste titre, fixé l’attention des archéologues, l’ancienne Alvea de la carte de Peutinger.
C’est à l’abbéPajonnet, dernier prieur d’Allichamps, que revient l’honneur des découvertes dont Caylus a enrichi son ouvrage. Les fouilles que cet excellent prêtre a faites en 1758, dans le Champ de la bataille, et dans celui du Grand cimetière, ont mis à jour des pierres gravées, des débris de sculptures, des médailles romaines du Haut et du Bas Empire, des urnes cinéraires, des bagues, des fragments considérables de vases de terre et de verre, ainsi que de nombreux tombeaux en monolithe de la Celle . Deux de ces tombes avaient été creusées dans des pierres qui servaient aux Romains de bornes milliaires. Sur l’une d’elles sont gravés ces mots :
Felici. Aug. Trib. P. C oIII
- P. Proc. Os. Avar L XIIII
Medi XII Neri XXV.
C’est-à-dire : « Heureux, Auguste, Tribun, Consul pour la troisième fois, lieues 14 de Bourges, 12 de Chateaumeillant et 25 de Néris ».
Cette colonne a été placée par les ordres de l’administration du canton en 1796, aux frais de M le Duc de Charost, au milieu du bourg de Bruère, sur la route de Bourges à Saint-Amand. Elle indique les distances d’Allichamps à Châteaumeillant, Castrum Médiolanum, et d’ Allichamps à Néris, Neriomagus, Aquae Néris de la carte de Peutinger, par Drevant. Elle a 6 pieds de longueur sur 1 pied 9 pouces de largeur.
Sur la seconde colonne qui porte me numéro 2, on n’a pu lire que ces mots : Avr. 1 XIII, c’est-à-dire Avaricum leucas XIII.
Les romains élevaient donc sur leurs routes, de lieue en lieue, des colonnes milliaires. La lieue gauloise était de 1500 pas ; Allichamps servait de station oude point de départ de différentes voies romaines. De Caylus estime que la colonne n°1 n’est pas antérieure au règne de Commode, quoique le nom de l’empereur auquel elle a été dédiée ait disparu. Mais c’est seulement à cette époque que le titre de Felix a été donné aux empereurs.
On voit encore à Alllichamps, sur un espace assez considérable, les restes de l’ancienne chaussée de Néris à Bourges : on l’appelle aujourd’hui la Chaussée ou la Levée de Cesar, et M le Prieur Pajonnet s’est convaincu, par les fouilles qu’il a fait faire, que la construction de ce chemin est absolument romaine.
La voie romaine d’Allichamps à Châteaumeillant conduisait à Limoges ; celle d’Argenton à Néris traversaitChâteaumeillant. Non loin de cette dernière ville, près du bois de Grandmont, à peu de distance de la voie romaine, on a trouvé, en 1836, plus de deux cents médailles en bronze et en argent datant du IIIème siècle.
On pense qu’il y avait à Montalon, commune d’Ardenais, une station romaine entre Bruère et Châteaumeillant ; un grand nombre de médailles y ont été trouvées ; les vignes y recouvrent des antiquités romaines et des débris de tuiles à rebords, de poteries ornées de fleurs, des tuyaux de plomb, etc.
L’église d’Allichamps, ecclesia Aliis campis, en très grande partie détruite, présente un assemblage de gothique et de romain et contient plusieurs caveaux dont l’un serait du XII ème siècle : dans l’un deux il existait des carreaux de première origine et un ouvrage en très belle marqueterie. Barailon, auquel nous empruntons ces détails, pense que cette église aurait été construite aux dépens d’un temple élevé par Claude II.
On a signalé dans la commune d’Allichamps, sur le versant d’une colline, au bois de la Beaume, une grotte appelée la Loutonnière. C’est une excavation, en partie comblée, sous laquelle on pénètre difficilement ; elle a été visitée par de nombreux curieux qui ont, pour la plupart, laissé leurs noms inscrits sur le rocher servant de voûte naturelle à cette grotte. Il me semble bien prétentieux de supposer, comme on l’a écrit, qu’elle aurait été consacrée aux cérémonies des druides.
A propos du champs de bataille et du grand cimetière d’Allichamps, nous terminons en rappelant que lors de la confection de la route de Bruère à Châteauneuf, vers la fin du règne de Napoléon III, plusieurs petits puits étroits et muraillés en pierres sèches, ressemblant à des drainages verticaux, ont été découverts çà et là, et ont donné lieu à des conjonctures sans fin et sans solution.
Ne serait-ce pas autant de puits funéraires gallo-romains semblables à ceux qui ont été décrits par M l’abbé Baudry (Magasin Pittoresque, 1878, p.7), dans un ouvrage intitulé : Puits funéraires gallo-romains du Bernard, Vendée (la Roche-sur-Yon , 1813) ?
Maintenant, avant de parler des arrières-fiefs de la châtellenie de Bruère, restons encore sur le territorium Briorie, où se trouve assis le monastère de Noirlac dont nous avons rédigé la monographie.
Il est peut-être aussi nécessaire de faire connaître au point de vue administratif que, depuis 1884, les circonscriptions territoriales de Bruère, d’Allichamps et de la Celle ont été transformées en deux communes, dont l’une, sous le nom de commune de la Celle, comprend tout ce qui, sur la droite de la route de Saint-Amand à Bruère, se compose d’habitations, de l’église, des carrières et du rural ; et que l’autre, sous le nom de Bruère – Allichamps , englobe sur le côté gauche de cette même route, Noirlac, la ville de Bruère et le bourg d’Allichamps avec leurs dépendan